Retards de chantiers pendant la crise du COVID-19 : le point sur la situation
le 28/05/2020
La situation actuelle de confinement sanitaire est inédite, et chaque corps de métier doit trouver un nouveau fonctionnement, une nouvelle façon de faire avec des annonces qui tombent au compte-goutte, et surtout une fin de crise inconnue. Une question qui concerne de nombreux maitres d'ouvrages, comment sont gérés les retards de livraison de ma maison pendant cette période ? Nous essayons de vous apporter toutes les réponses à vos questions.
Je suis un particulier, comment gérer cette situation ?
On connait le bonheur de se rendre sur le chantier, suivre l'avancée, penser à la livraison, aux travaux qu'on souhaite faire en récupérant les clés, mais il va falloir faire preuve de patience actuellement.
Votre constructeur vous a peut-être déjà contacté, même surement, pour annoncer sa position sur la situation. Vous trouverez dans la suite de l'article, la situation actuelle des constructeurs, ainsi que le point de vue de l'AAMOI.
Concernant les préavis de départ de votre ancien logement, faites la demande par écrit à votre propriétaire de le garder jusqu'à la fin du confinement, car de toute façon les déménagements sont interdits.
Qu'en est-il des constructeurs ?
Les constructeurs aussi doivent se réorganiser face à cette crise. Pour la plupart les chantiers sont à l'arrêt, avec notamment un manque de matériaux, mais les équipes commerciales sont sur le front, et continuent à travailler, comme nous informe un constructeur : "Les chantiers sont stoppés jusqu'à nouvel ordre. Nos équipes commerciales peuvent, au moyen d'outils numériques (notamment de plan et de chiffrage) continuer d'étudier les projets de nos clients et convenir de rendez-vous téléphoniques ou en vidéoconférence"
De plus, comme témoigne la responsable d'une marque régionale : "Concernant les chantiers, nos conducteurs sont toujours en activité, mais les prochains jours seront décisifs, car le manque de matériau va se faire sentir et certains de nos artisans ferment. On s'adapte au jour le jour."
Il est vrai que la fermeture de nombreux fournisseurs entraine une pénurie de matériaux, qui même pour les artisans qui souhaitent continuer de travailler contraint à stopper l'activité.
La position de l'AAMOI
Nous avons contacté l'AAMOI, et voici leur position : "Le cas de force majeur ne peut être automatique, en effet, rien interdit au BTP de travailler. Ils devront alors prouver le cas de force majeur en montrant que les fournisseurs étaient à l'arrêts, leurs employés au chômage technique, etc.". Il conviendra à chaque maitre d'ouvrage de voir comment il souhaite gérer cette situation donc, en fonction des réactions de son constructeur.
L'AAMOI alerte aussi sur des situations sur des chantiers : " Des constructeurs ont du retard déjà acté avant le confinement, mais ont fait des arrêts de chantiers pour éviter de payer des indemnités de retard"
Aussi, certains constructeurs ont envoyé des courriers d'arrêt mais les travaux continuent : "on a des cas où les chantiers continuent bien que le constructeur a signifié l'arrêt, le maitre d'ouvrage ne pouvant aller vérifier, il pourra profiter d'un retard de fin de chantier alors que les travaux ont continué. Des voisins des chantiers ont alerté les maitres d'ouvrages sur ces situations".
Retrouvez le communiqué de l'AAMOI sur la situation en cliquant-ici.
Et si je suis en VEFA ?
La position est assez claire : oui il peut y avoir du retard, mais aucune indemnité ne peut être demandée, et le promoteur a l'obligation de résultat pour l'achèvement des travaux.
Pour plus d'informations sur la situation en VEFA, cliquez-ici.
Notre avis sur la situation
D'un coté, le gouvernement encourage tout le monde à rester à la maison (allant jusqu'à promettre de la prison à ceux qui seraient contrôlés sans certificat à plusieurs reprises), et de l'autre, indique que rien ne s'oppose au retour au travail des artisans du BTP.
Cette complexité se retrouve sur le terrain. Trouver des matériaux est quasi impossible et travailler en groupe est peu recommandé, rendant compliqué la reprise des chantiers. Sans parler de la peur de la maladie, bien présente chez bon nombre d'artisans et employés qui préfèrent ne pas reprendre le travail.
Bref, le gouvernement n'indique pas que la situation découlant du COVID19 est un cas de force majeure et du coup, met les constructeurs en porte à faux, les obligeants a prouver par eux-même que les chantiers sont arrêtés de façon tout à fait légale. Ce flou est une brêche dans laquelle certains ne vont pas hésiter à s'engouffrer.
Certains constructeurs vont par exemple essayer de se cacher derrière le confinement pour combler leur retard et éviter de payer des pénalités. Des particuliers vont quant à eux essayer de faire payer des pénalités de retard à leurs constructeurs, même si ceux-ci sont honnêtes. Après tout, on ne sait absolument pas quand ce confinement prendra fin. Entres les deux, toute une panoplie de conflits en tout genre qu'il faudra résoudre.
Chez ForumConstruire.com, nous trouvons que le BTP, à l'inverse de l'alimentation ou la santé, ne fait pas partie des activités essentielles à la vie de notre pays. De ce fait, nous trouvons qu'il est de notre devoir de protéger nos artisans en les incitant à rester chez eux si ils en ont la possibilité. Nous vous recommandons donc de faire preuve de bienveillance. Faire peser aux constructeurs le risque de payer des pénalités de retard, c'est les pousser à remettre les artisans sur les chantiers. Nous sommes défavorables à cet état d'esprit.
Et si le risque juridique retardait encore plus les chantiers ?
C'est une possibilité qui nous parait assez évidente.
L'AAMOI a écrit sur son site : "nous avons pu observer au travers de témoignages de nos adhérents que des ouvriers travaillaient sur des chantiers de constructeurs, qui par ailleurs adressaient des courriers suspendant les délais. Faire prendre des risques à tous pour seulement profiter d'une épidémie et s'octroyer des délais supplémentaires n'est que de la mauvaise foi à laquelle certains nous ont malheureusement habitué ;"
En gros, si un constructeur déclare l'arret de ses chantiers pour cause de force majeure mais y envoie des artisans, il est dans l'illégalité. Normal, cela évite que le constructeur pretexte le cas de force majeure pour annuler le délai de retard, tout en faisant travailler ses artisans pour le combler. Bref, payer le moins possible ses pénalités de retard. Ça, c'est pour le constructeur "indélicat".
Mais pour le constructeur "sérieux", la situation prend une autre saveur. Pour ne pas risquer de se retrouver hors délai si la crise dure plusieurs mois, il a tout intêret de déclarer ses chantiers comme arrêtés pour cause de force majeure. Pourtant, certains de ses artisans, travaillant seuls ou équipés (masques, etc), pourraient venir travailler. Si il accepte de faire venir ses artisans, il s'expose à voir son argument de force majeure voler en éclat. Et donc de devoir payer des pénalités si il n'arrive pas à terminer le chantier dans le délai prévu. Donc, des raisons strictement juridiques pourraient pousser les constructeurs à se protéger et fermer des chantiers qui pourraient pourtant avancer, même plus lentement.
L'avenir nous dira comme la situation tournera, mais pour le moment, impossible de savoir quand et comment nous sortirons de cette crise. Néamoins, notre priorité doit rester celle de l'interêt commun et de la santé, à savoir protéger le plus de monde possible. Nos chantiers peuvent attendre.
Source:
forumconstruire.com